Accord sur réforme lait : L’UE va droit dans le mur !

Publié le par Jean Luc Guerbois

L’accord de la délégation tripartite Conseil-Parlement-Commission le 6 décembre renonce à doter l’UE d’instruments permettant aux producteurs/ productrices de lait européens d’avoir des prix stables, qui rémunèrent les coûts de production, travail inclus.

Les institutions européennes ont bien reconnu le déséquilibre dans la chaîne de valeur ajoutée et l’inégalité du pouvoir de négociation entre les producteurs/ productrices et l’industrie. Pourtant elles n’ont pas décidé de gouvernance européenne qui permette de maintenir des exploitations laitières sur tout le territoire européen, ainsi que l'emploi et le tissu économique et social qu'elles produisent autour d’elles. Une fois de plus, l’UE laisse à l’industrie le pouvoir d'imposer ses conditions. Il est surprenant de voir les limitations mises dans la dimension des organisations de producteurs/productrices, quand en face il y a de grandes firmes comme Lactalis ou de grandes coopératives, multi-nationales, qui parviennent à imposer leurs prix et conditions dans différents pays.

La réforme contre les producteurs et productrices.

Tandis que des milliers de producteurs/productrices disparaissent dans l’UE, dans le même temps la production augmente et se concentre dans des exploitations chaque fois plus industrialisées, avec souvent de graves problèmes de nitrates dans l’eau et le sol, avec une dégradation de la qualité. Le jour même de l’accord, la Commission a informé le Groupe Consultatif Lait que plus de 25.000 personnes meurent chaque année dans l'UE à cause de bactéries résistantes aux antibiotiques, trop utilisés dans les élevages intensifs et en médecine. Persévérer dans ce modèle industrialisé porte atteinte aux producteurs/productrices et aux citoyens en général.lactalis

 

Contractualisation

La contractualisation décidée est faite au service de l'industrie laitière, puisqu'elle n'oblige pas cette dernière à reprendre dans les contrats un prix qui intègre les coûts de production et rémunère les producteurs/productrices de manière juste. Par ailleurs il n'est pas acceptable de laisser les coopératives en dehors des mécanismes de contractualisation, alors que dans beaucoup de pays européens elles transforment la plus grande partie du lait (+ de 90% en Belgique) et imposent des conditions aussi agressives pour les producteurs/ productrices que l’industrie privée (le prix le plus bas du lait en 2009- 0,12€/litre- a été le fait d’une coopérative belge). Confondre les intérêts des producteurs et des coopératives, comme le fait le Copa-Cogeca, c’est bien mal défendre les producteurs.

 

Sans maitrise de la production, le pouvoir de marché des producteurs ne sera pas renforcé

Sans un système de maitrise publique de la production qui adapte offre et demande, les producteurs/ productrices feront face à une grande volatilité de prix, qui ruine les exploitations. Il n'est pas acceptable qu'à l'heure actuelle la Commission ne dispose pas d'une étude mise à jour de l'impact que pourrait avoir la fin des quotas en 2015. La réforme des fruits & légumes, que la Commission aime à citer en exemple, montre que le développement d’organisations de producteurs, unique bénéficiaires des aides UE, n’a pas renforcé le pouvoir des producteurs face à l’aval. Ce secteur, sans régulation en amont des problèmes, subit des crises récurrentes et se délocalise en dehors de l’UE. La production est en train de disparaître de régions entières.

Nous évaluons positivement le fait qu'on ait assoupli certaines règles de la concurrence pour négocier le prix du lait et en ce sens nous demandons que l’on reconnaisse l'importance du lait comme un produit alimentaire de base, qui ne peut être abandonné aux oscillations du marché, ni à son remplacement dans l’industrie agroalimentaire par l’huile de palme, néfaste pour la santé. Nous pensons que la possibilité de gestion de l'offre, maintenue pour les A.O.P ou les I.G.P, doit être étendue à la totalité du marché du lait.

 

Transparence : la transparence des quantités de lait n’est pas la seule nécessaire, il faut aussi la transparence des prix et des marges.

 

Le dumping à l’export continue

En maintenant une production largement excédentaire, l’UE maintient les producteurs dans une dépendance dangereuse vis-à-vis de la demande du marché international, incertaine en ces temps de crises globales. Elle préfère sacrifier des milliers d’exploitations laitières en Europe et ruiner la capacité de production laitière de pays tiers, en exportant ses excédents sous forme de poudre de lait et de beurre, grâce aux aides à l’exportation et aux paiements directs. Il n’est pas soutenable économiquement de vendre et d’exporter à perte : pourtant c’est ce que font les producteurs de lait, obligés de vendre à des prix inférieurs à leurs coûts de production.

 

La Coordination Européenne Via Campesina lance un appel aux député(e)s européen(ne)s et aux Ministres de l’agriculture (Conseil) pour qu'ils ne ratifient pas cet accord, et travaillent à des mécanismes qui garantissent des prix justes et stables pour les producteurs et productrices de lait, ainsi que le maintien d'une production de lait durable qui produit des aliments de qualité dans les différentes régions européennes.

 

Communiqué de presse de la Confédération Paysanne : http://www.confederationpaysanne.fr/accord-ue-reforme-lait-reforme-adoptee-ne-reg_503-actu_1937.php

Publié dans Agriculture et eau

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